11 maio 2011

Choisir son école


Agnès van Zanten, Choisir son école, Strategies familiales et médiations locales, Le lien social, Puf,2009, 284 págs.

O que leva os pais a escolherem uma escola em detrimento de outra? O renome da instituição? A proximidade de casa? A integração dos alunos? O seu bem-estar? O elitismo? Um tipo diferenciado de pedagogia?
Os clichés abundam. A propaganda tem efeitos nocivos sobre a coesão social. A socióloga Agnès van Zanten responde a algumas questões a propósito desse livro.
A entrevista encontra-se aqui e tomamos a liberdade de a transcrever, pelo que diz.

Votre ouvrage s'appuie sur 160 entretiens avec des familles des classes moyennes de quatre communes franciliennes. Qu'est ce qui justifie ce choix? Est-il représentatif de cette catégorie?

C’est vrai qu’il y a un facteur de commodité. C’est plus facile pour moi, qui vit en Ile-de-France, de travailler sur cette région. Mais le choix de ces communes correspond aussi à deux hypothèses de recherche. La première est que la possibilité de faire un choix d’établissement est plus importante en milieu urbain et métropolitain car l’offre est plus diversifiée et accessible, ce qui alimente les ambitions des familles. La deuxième est que les pratiques des parents sont liées à plusieurs médiations locales : les politiques éducatives, l’offre d’établissements et la composition sociale de la population. J’ai donc choisi quatre contextes différents avec deux villes privilégiées (Rueil, Vincennes) et deux communes plus mélangées (Nanterre et Montreuil). Cela permet aussi d’avoir une bonne représentativité des différentes fractions des classes moyennes. Dans la lignée des travaux de Pierre Bourdieu et de Louis Chauvel, j’ai distingué quatre groupes à partir d’un découpage sur un axe vertical (fractions supérieures et intermédiaires) et sur un axe horizontal (pôle économique et pôle culturel).

Vos interlocuteurs ce sont plutôt les mères de famille ou les pères ? Qui décide des choix éducatifs dans ces milieux?

On ne peut proposer qu’une réponse nuancée sur la question de la décision. Déjà parce que certaines familles ne décident pas, le choix de l’établissement allant de soi, mais aussi parce qu’il n’y a pas toujours un moment que l’on peut isoler car la décision se construit dans le temps. Le plus souvent, les deux parents interviennent de façon plus ou moins importante dans la sélection finale d’un établissement. Mais ce sont les mères qui se chargent du travail d’information préalable et des démarches liées au choix. Les pères, quand ils s’impliquent dans la construction des choix, sont plus nombreux à se référer à des données de type statistique. Les mères, elles, cherchent des éléments plus qualitatifs auprès notamment auprès d’autres parents.

On a souvent l'impression que ce qui motive les choix éducatifs des familles c'est leur rentabilité la plus apparente : atteindre l'établissement le plus prestigieux à tout prix. Est ce vraiment la règle?

Mon ouvrage déconstruit cette vision que l’on a communément des «consommateurs d’école». Certes, les évolutions du marché du travail ainsi que les modalités d’orientation dans le système scolaire poussent beaucoup de parents à se soucier particulièrement de la capacité des établissements à améliorer le «niveau» de leurs enfants et à leur permettre d’accéder à de «bons» établissements de niveau supérieur. Par ailleurs, parce que la seule source apparente de différenciation entre les établissements publics a trait aux résultats scolaires les parents tendent à percevoir l’offre publique de façon bipolaire avec, aux deux extrêmes, des «bons» et des «mauvais» établissements et, au milieu, un ensemble flou d’autres établissements. Ce phénomène est plus fort dans les grandes villes qu’ailleurs en raison de la forte ségrégation urbaine et scolaire et de ses effets sur l’adaptation des établissements au profil scolaire et social de leurs publics.

Pourtant les parents des classes moyennes ne font pas que des choix «instrumentaux». Ils font aussi des choix «expressifs», c’est-à-dire orientés vers le bien-être, le bonheur et le développement global de leur enfant, en procédant à des appariements entre les exigences des établissements publics et le profil scolaire et psychologique de leurs enfants, mais surtout en ayant recours à des établissements privés. Ces derniers ont en effet réussi à développer des «niches» dans le système d’enseignement en proposant une offre qualitativement beaucoup plus diversifiée que celle des établissements publics. On constate ainsi que le choix de collèges publics hors secteur est souvent justifié par les parents, dans les quartiers plus mélangés, en mettant en avant le potentiel scolaire de l’enfant qu’il serait dommage de «sacrifier» en le laissant dans le collège du secteur, alors que le choix du privé est souvent légitimé par référence aux goûts et aux traits de personnalité des enfants ou aux valeurs des parents.

De ce point de vue toutes les familles de classe moyenne ont-elle les mêmes stratégies et la même efficacité ? Peut-on tracer des portraits types qui pourraient aider les enseignants à décrypter les attentes des familles?

Il est clair que si les classes moyennes se distinguent globalement des classes populaires par une plus grande propension et facilité à choisir et par des choix plus réfléchis, les différentes fractions ne font pas des choix identiques. Les classes moyennes supérieures qui combinent un capital économique et un capital culturel élevés et que je désigne dans mon livre avec le terme de «technocrates» font des choix prioritairement guidés par des visées instrumentales et par le désir de récréer un «entre soi» social au travers principalement de deux stratégies : les choix résidentiels et le choix du privé. Les classes moyennes supérieures à haut capital culturel, ceux que j’appelle les «intellectuels», combinent «instrumentalisme» et «réflexivité». Ils cherchent des environnements scolaires caractérisés par la qualité du personnel enseignant, mais aussi par l’entre soi de «bons» élèves et ont pour cela principalement recours au choix à l’intérieur du secteur public ou à la «colonisation» interne des établissements du secteur, par exemple en faisant pression en faveur du regroupement de leurs enfants dans des classes de niveau.

S’il existe donc des différences qualitatives non négligeables au sein des classes moyennes supérieures, la fracture est plus importante avec les classes moyennes intermédiaires. Ces dernières donnent plus de place à des considérations d’ordre expressif, de même qu’elles sont plus sensibles aux effets ségrégatifs des choix d’un autre établissement public ou privé hors secteur. Ces deux tendances, couplées avec des ressources économiques et culturelles moins importantes, les conduisent à envoyer leurs enfants plus souvent dans les établissements du quartier que les classes moyennes supérieures, non sans mettre en place cependant relativement souvent, eux aussi, des stratégies de «colonisation». Ceci est notamment le cas des membres des classes moyennes intermédiaires ayant un capital culturel ou relationnel élevé, comme les professeurs des écoles ou les travailleurs sociaux que je range dans la catégorie des «médiateurs», mais c’est moins le cas des classes moyennes intermédiaires moins diplômées du secteur privé dont les pratiques se rapprochent davantage de celles des parents de milieu populaire.

Vous montrez aussi que l'attente de "l'entre soi" peut aller jusqu'au racisme. Avez-vous l'impression que ces conceptions s'atténuent ou cela s'aggrave-t-il?

Une des surprises de cette enquête c’est la spontanéité de certains propos sur les enfants et les parents immigrés. C’est délicat de dire que le racisme s’aggrave faute de travaux permettant des comparaisons dans le temps. Généralement on associe les propos racistes à la proximité avec les classes populaires selon le schéma traditionnel du «petit blanc» craignant une dégradation de son statut et de son identité liée à la cohabitation avec d’autres perçus comme très différents voire comme inférieurs. On retrouve des réflexes de ce type chez certains parents des classes moyennes intermédiaires dans les communes où il existe une forte mixité sociale et ethnique. Mais on trouve des propos du même ordre, parfois plus brutaux encore, chez des parents appartenant aux classes moyennes supérieures et vivant dans des «gated communities», ces quartiers totalement fermés, comme on en trouve à Rueil. Car l’entre soi n’empêche pas la peur des autres. Bien au contraire il la renforce et la légitime.

On a eu récemment un débat sur la publicité éventuelle des résultats de CM2, un autre sur les indicateurs des lycées, les résultats des statistiques sur la violence scolaire. Ces éléments influent-ils sur les choix des familles? Sur quelles bases informatives le choix se fait-il?

Je montre que les familles des classes moyennes se méfient de ces données statistiques «froides», du moins pour le choix du collège. Elles préfèrent des jugements «chauds», puisés auprès d’autres parents. Elles se demandent si ces données reflètent la réalité des établissements. Elles ont l’impression que ces chiffres sont manipulés par les politiques et, davantage encore, par les établissements. Elles expriment également des doutes quant à la possibilité de déduire, à partir de ces données, si tel ou tel établissement convient à leur enfant. Du coup elles préfèrent chercher des parents qui ont des enfants aux profils similaires aux leurs pour pouvoir effectuer des choix «sur mesure». Aucun des parents que j’ai rencontré n’utilise ces indicateurs comme critère unique de choix. Ils servent de toile de fond à une recherche d’informations plus pointues auprès de leur entourage ou des enseignants ou à confirmer ou à nuancer certains jugements.

Certains pays (Etats-Unis, Angleterre etc.) donnent beaucoup d'informations sur chaque établissement. Faudrait-il plus de transparence en France?

Cela dépend de ce qu’on appelle «transparence». La publication de davantage de statistiques n’irait certainement pas dans le sens d’un meilleur outillage des choix parentaux. Ce qui est important c’est, pour les établissements locaux qui ont une réputation moyenne, de montrer et d’expliquer leur fonctionnement aux parents. Cela crée de la confiance non seulement dans l’honnêteté des professionnels de l’éducation mais aussi dans leur capacité à faire face aux problèmes posés par l’hétérogénéité des publics scolaires. Je cite l’exemple d’un collège de Montreuil qui a réussi à attirer des parents des classes moyennes grâce à une bonne politique de communication. Cela ne rassure pas tous les parents, mais souvent une partie de ceux appartenant aux classes moyennes supérieures et intermédiaires du pôle culturel. Bien sûr, communiquer ne suffit pas si l’amélioration des résultats n’est pas à moyen terme au rendez-vous. Mais quand davantage de parents des classes moyennes choisissent de rester cela contribue à améliorer les résultats, ce qui attire d’autres parents des classes moyennes et on entre ainsi dans un cercle vertueux. Aujourd’hui en France, nombre d’enseignants estiment qu’ils n’ont pas à communiquer sur le fonctionnement de leur établissement. Mais souvent cette politique nourrit la mauvaise réputation et la méfiance des parents.


Quelle place tiennent les politiques pédagogiques des établissements dans les choix parentaux?

Un des aspects de la crise de l’Ecole c’est que l’Ecole elle-même a trop joué de l’instrumentalisation. Elle a elle-même dévalorisé son rôle pédagogique. On le voit par exemple dans la création d’options qui sont plus liées à la volonté de sélection qu’à celle de diversifier le bagage culturel des élèves. C’est le cas par exemple de nombreuses sections européennes, des classes bi-langues et, à un moindre degré, des classes musicales (CHAM). On arrive à une situation où la qualité de l’éducation proposée ne semble dépendre pour les professionnels de l’éducation comme pour les parents que du public des élèves sans référence aux contenus d’enseignement ni au type de pédagogie.

Cela renvoie à un discours souvent entendu, chez certains enseignants et ailleurs, selon lequel «on a tout essayé en vain» sur le terrain pédagogique…

Or combien de politiques pédagogiques ont été réellement appliquées ? Combien ont été évaluées ? Quand ce discours désabusé est porté par les enseignants et par les responsables administratifs et politiques, comment attendre des familles autre chose ? Cela nourrit fortement les choix d’établissements dans la mesure où les parents font de moins en moins confiance à la capacité de l’institution et de ses agents à changer la donne sociologique dans les établissements comportant une proportion importante d’élèves en difficulté.

Les enseignants font aussi partie des classes moyennes. Quel est leur comportement de choix? Dans quelle mesure influent-ils sur les choix?

On sait que les enseignants sont la catégorie qui choisit le plus dans l’enseignement public. Ils sont mieux informés que les autres parents. Ils ont aussi un accès plus facile aux dérogations. Ces pratiques de choix sont perçues par les parents, notamment par ceux des milieux populaires pour lesquels les enseignants jouent un rôle de groupe de référence, comme des indications de la qualité des établissements. Quand les enseignants ne mettent pas leurs enfants dans le collège du quartier, c’est pour ces familles un signal très fort qui les encourage à procéder de la même façon. Par ailleurs, les enseignants jouent aussi un rôle plus direct de prescripteurs. On trouve ainsi souvent des instituteurs qui déconseillent aux parents des bons élèves d’envoyer leurs enfants au collège du quartier si ce dernier souffre d’une mauvaise réputation, car ils perçoivent leur mission comme celle de protéger la scolarité des meilleurs et leur ascension au sommet de la hiérarchie scolaire.

L'Etat s'est orienté vers un allègement de la carte scolaire. Vous dites qu'il relaie et appuie les stratégies de clôture des classes moyennes. Comment fait il cela? Que devrait-il faire?

J’ai écrit récemment, avec Jean-Pierre Obin, un «Que-sais-je?» sur la carte scolaire qui traite cette question. Je montre que le développement des marchés scolaires est antérieur à la politique de libéralisation de la carte scolaire et qu’il résulte de l’addition d’un certain nombre de choix étatiques et de pratiques d’établissements. Je fais allusion notamment au maintien d’un secteur privé où les établissements et les parents peuvent choisir, aux assouplissements officiels de la carte scolaire et à la tolérance à l’égard des dérogations de certaines administrations ainsi qu’aux pratiques de sélection de certains établissements de bonne réputation, de même qu’à la répartition inéquitable de l’offre d’options et à la prolifération des classes de niveau. De ce fait on ne peut pas dire qu’il y ait eu un «avant» et un «après» l’introduction d’une politique officielle de libéralisation. Il y a continuité avec les choix politiques effectués à partir des années 1980 avec une légitimité plus forte accordée aux demandes des familles, même si la libéralisation ira dans le sens d’une accentuation des phénomènes de ségrégation et donc des inégalités.

L’Etat et ses agents sont ainsi partie prenante, par des choix officiels et des pratiques officieuses, de la mise en marché des établissements. Ils relaient les attentes et les pratiques des parents, mais ils font plus que répondre à la demande: ils favorisent, canalisent et légitiment dans nombre de cas les choix des familles et ce au nom notamment de la préservation de parcours protégés pour les bons élèves.


Aujourd’hui l’Etat justifie l’allègement de la carte scolaire en mettant en avant les dérogations accordées aux boursiers.

C’est une question que je vais étudier prochainement. En regardant d’abord qui sont les bousiers. Il n’est pas sûr que ce soient toujours les élèves les plus défavorisés car certaines familles ne font pas de dossier de demande. Ensuite, on a déjà pu observer que la priorité accordée au critère «boursier» par rapport à d’autres critères de dérogation varie selon les administrations locales. Enfin on peut penser que ce sont les bons élèves qui vont bénéficier en priorité des dérogations. Or la perte de quelques bons élèves dans un collège défavorisé peut changer du tout à tout son climat et son fonctionnement.

Certes, l’Etat ne peut pas revenir aujourd’hui à un modèle fondé exclusivement sur la contrainte car le droit à choisir correspond à une demande profonde des familles et à un modèle de société. Comment faire alors pour éviter l’accentuation inévitable des inégalités sociales qu’entraînerait une politique de libre choix ? Ce qui semble se dégager des travaux internationaux, c’est qu’il faut que l’Etat régule les choix soit, sur le modèle américain ou britannique, par des quotas en fonction des caractéristiques sociales ou scolaires des élèves, soit en harmonisant les pratiques entre les établissements d’un même bassin et d’une même zone. Certes la situation idéale serait celle où le choix ne serait pas nécessaire car toutes les écoles seraient perçues comme «bonnes». Toutefois, s’il est effectivement indispensable de mettre en place une politique de discrimination positive vigoureuse pour limiter les écarts entre les établissements, il faut aussi tenir compte des limites que pose la concentration des publics en difficulté dans certains d’entre eux.

La solution est alors davantage à trouver dans une politique urbaine?

Le désenclavement urbain ne peut pas lui non plus produire des miracles car s’il est difficile de réduire la concentration des populations défavorisées, il est encore plus ardu de limiter les pratiques d’agrégation des catégories favorisées. Par ailleurs, les situations locales sont très diversifiées. Pour étudier leurs effets sur les établissements d’enseignement, il faudrait pouvoir les suivre de façon très précise et constante. Or les administrations locales sont souvent débordées et manquent des données et des compétences nécessaires pour ce travail de longue haleine sur le terrain.



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